Comme je suis favorable au recyclage et qu'il contenait des messages importants à mes yeux, voici le texte du discours prononcé lors du tournoi de pétanque.
Bonjour à tous. Merci d’être
venus si nombreux pour cet événement organisé de main de maître ! Un
immense merci à Florent, qui a eu cette belle idée, à innov’Health, Statice et
l’ISIFC, qui ont assuré l’organisation et le financement, et qui ont vraiment bien
assuré ! Et à la Ville de Besançon qui a mis à disposition le boulodrome.
Comme vous le savez, votre
participation est reversée à l’association « Comme une petite Fleur »
que mon mari et moi avons créée. Je souhaite donc vous parler de Fleur, notre
fille, et de notre quotidien de parents pas tout à fait ordinaires. Fleur ne
peut pas être avec nous aujourd’hui. Elle est très sociable, mais il y a ici un
peu trop d’ambiance pour son confort !
Fleur a quatre ans, c’est une
petite fille très joyeuse, qui aime rire avec son frère, babiller avec sa
poupée, et qui adore écouter des comptines et jouer dans l’eau. Mais Fleur a
aussi quelque chose en plus : 2 gènes en trop, une maladie rare nommée
triplication 17p13.3 (comme il n’y a que 2 autres cas répertoriés dans le
monde, aucun médecin n’a trouvé cette maladie assez intéressante pour lui
donner son nom). Ces 2 gènes en trop perturbent le développement cérébral de
Fleur et entraînent ce qu’on appelle un polyhandicap. Elle ne peut pas se tenir
debout, encore moins marcher, et elle a pris l’habitude de se frapper le visage
pour signaler ce qui ne va pas. Quand elle est malade il faut rester avec elle
en permanence pour la rassurer et l’empêcher de se faire mal. Comme elle ne
mange pas assez, on lui a posé un bouton qui traverse l’abdomen jusqu’à
l’estomac, pour lui donner un lait enrichi toutes les nuits.
On nous demande souvent quand
nous l’avons su. Quand Fleur a eu 4 mois, la pédiatre a décelé un problème de
développement. Beaucoup d’examens se sont succédés et petit à petit, nous
sommes passés dans un monde parallèle, celui du handicap. Dans ce monde
parallèle, on parle en sigles (CAMPS, SESSAD, MDPH : c’est la Maison
Départementale des Personnes Handicapées, je vous en reparlerai). Dans ce monde
parallèle on visite tout le CHU parce que les médecins cherchent tous azimuts
(ophtalmo, ORL, endocrino, gastro, neuro, cardio, génétique). Finalement, Fleur
avait 18 mois lorsque nous avons eu le diagnostic. Un diagnostic, mais ni
traitement, ni suivi spécifique : des temps de kiné, de psychomotricité, auxquels
nous avons ajouté de l’ergothérapie pour l’aider plus, et un peu d’orthophonie.
Dans ce monde parallèle, le handicap
envahit tout le quotidien : d’abord on change la poussette et le
siège-auto pour des modèles encore plus confortables, ensuite de gros objets
bizarres viennent encombrer la maison (verticalisateur, siège-coque, motilo,
pompe de nutrition), et il faut changer de voiture pour pouvoir les transporter
(nous avons dû prendre une 7 places). On surélève la baignoire parce que je
n’arrive plus à sortir Fleur du bain. Même le choix du canapé est conditionné
par le handicap : profond pour que Fleur ne puisse pas en tomber (elle ne
sait pas se protéger si elle tombe), et lavable à cause des taches du liquide
de nutrition.
Le temps passant, il faut revoir entièrement
l’organisation de la maison pour pouvoir donner une douche à Fleur, lui laver
les mains, et transporter son matériel sans nous casser le dos. On nous demande
parfois pourquoi nous ne déménageons pas : simplement parce que les
maisons adaptées n’existent pratiquement pas (vrai plain-pied -sans aucune marche-,
des portes larges de 90 cm, un lavabo compatible avec un fauteuil roulant…). Il
faudrait déménager et faire quand même des travaux, ce serait du temps perdu.
Dans le monde parallèle du
handicap, vous devenez parent-aidant (le parent qui reste à la maison avec l’enfant
pour répondre à tous ses besoins) et vous êtes très occupé par le suivi médical,
mais aussi par de nombreuses démarches administratives. C’est là que je vous
reparle de la MDPH. Pour toute démarche il faut passer par la MDPH : pour
la reconnaissance du handicap (parce que Fleur n’est pas juste handicapée, elle
est handicapée jusqu’au 31 juillet 2017 … et le 1er août ses
chromosomes se réparent tout seuls ?), passer par la MDPH pour la prise en
charge de l’enfant en institution, pour la carte de stationnement, l’allocation
handicap, et pour l’adaptation du logement.
D’après les textes officiels, la
MDPH « met en œuvre l'accompagnement nécessaire aux personnes handicapées
et à leur famille après l'annonce et lors de l'évolution de leur handicap ».
C’est la version officielle. Dans la réalité, faire une démarche auprès de la
MDPH c’est jouer au jeu de l’oie (mais on ne vous a pas prévenu). Case
départ : remplissez un dossier de 12 pages, ajoutez des certificats
médicaux très détaillés, des photos d’identité et surtout décrivez le quotidien
de votre enfant parce que vous devez prouver à quel point il est handicapé.
Ensuite il y a les cases-pièges :
« renvoyez les photos égarées dans votre dossier ». Ou alors la case :
« visite de l’assistante sociale MDPH », qui vous dira que votre
enfant n’est pas si handicapé, et
que pour la carte de stationnement il ne faut pas exagérer, « à 2 ans
Madame tous les enfants se déplacent en poussette ».
A force, vous apprenez quelques
astuces. Mais pour les travaux d’adaptation de la maison, la partie a été
particulièrement longue et difficile : en théorie nous avions droit à une
subvention, mais il m’a fallu 1 an juste
pour obtenir un accord de principe, et 1
an de plus pour valider le montant de la subvention, qui ne représente que
16% du montant des travaux. Et pour le siège de douche « enfant
handicapé », il reste encore plus de 1200 € à notre charge, comme si acheter
ce matériel était un choix ! Il existe d’autres aides, mais nous n’y avons
pas droit. C’est pour ces raisons que comme beaucoup d’autres familles nous
avons créé l’association « Comme une petite Fleur », car il n’y a pas
d’association pour soutenir les enfants atteints de maladies aussi rares.
En plus nous devons déjà prévoir
une deuxième tranche de travaux pour installer un monte-escalier. Il y a 2 ans,
l’ergothérapeute de la MDPH pensait que c’était inutile et que Fleur pourrait
descendre les escaliers sur les fesses, mais ce n’est toujours pas le cas et il
faut trouver une solution parce qu’elle grossit (heureusement) et que mon dos
se fatigue. Et Fleur n’a que 4 ans, ses besoins d’équipements vont encore
évoluer… (poussette, fauteuil roulant ?)
Pour toutes ces raisons, votre
contribution à tous compte énormément pour nous, car chaque participation
allège le montant de nos travaux, et nous aidera à avoir une vie quotidienne moins
fatigante.
Alors nous vous remercions encore
tous, du fond du cœur, aux uns d’avoir organisé cette belle rencontre et aux
autres d’y participer. Merci à tous !